La célébration dominicale de l’Eucharistie est au «centre de la vie de l’Église»

Lors de son audience générale du mercredi 13 décembre 2017, le Pape François a rappelé que la célébration dominicale de l’Eucharistie est au «centre de la vie de l’Église» :

«Il faut retrouver le sens de cette célébration, qui est celui de la joie, de la communauté paroissiale, de la solidarité, et de tout ce qui rafraîchit l’âme et le corps.»

Dans le contexte de la refondation de notre Unité Pastorale, il nous a semblé capital de partager avec vous un article de la revue catholique  « Feu Nouveau » (numéro 61/5, juin-juillet 2018). 

Nul doute que la nouvelle Équipe d’Animation Pastorale et le Conseil Local Pastoral unique  qui seront envoyés par notre Évêque, ce dimanche 16 septembre, se penchera sur cette question épineuse : celle de  maintenir ou non la proposition de  célébrations dominicales, avec ou sans eucharistie,  au sein de nos communautés catholiques locales qui sont maintenant dénommées « clochers ».

 Importance et utilité des Célébrations dominicales de la parole

Les célébrations dominicales de la Parole ont été encouragées depuis le Concile, mais leur mise en place se heurte à bien des obstacles. Pourtant, elles permettent de faire entendre davantage l’Evangile dans des sociétés qui en ont tant besoin.

Au moment de s’éloigner de leur regard, Jésus ressuscité disait à ses disciples : « vous allez recevoir la force de l’Esprit Saint ; vous serez alors mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac1, 8).

Les disciples se mirent en route et, de cité en cité, « ils annoncèrent la Bonne Nouvelle et firent  bon nombre de disciples » (Ac14,21).  Dans la foulée, l’Évangile a été largement annoncé et ce, dans nos pays, jusqu’en toute localité. Depuis lors, cette annonce y était faite chaque dimanche dans les célébrations eucharistiques. Mais ce dynamisme a été bloqué, fautes de prêtres.

En d’autres régions du monde, en Amérique latine, en Afrique, en Asie, où les prêtres et les missionnaires sont proportionnellement  bien moins nombreux qu’en Europe et, de ce fait, les eucharisties plus rares ; le partage de la Parole de Dieu a été organisé grâce au développement des communautés ecclésiales de base, animées par des catéchistes et des équipes pastorales. Au concile Vatican II,  les évêques  très attentifs à ces expériences pastorales les ont recommandées à toutes les églises locales :

« On favorisera la célébration sacrée de la Parole de Dieu à l’occasion des veilles des fêtes solennelles, à  certaines féries de l’avent et du carême, ainsi que les dimanches et jours de fête, surtout dans les localités privées de prêtres. » (Constitution sur la liturgie ,4 décembre 1963)

 Cinquante ans plus tard, malgré les campagnes de nouvelles évangélisations, l’éloignement de notre monde par rapport à l’évangile n’a fait qu’empirer. Les contre-témoignages sont devenus flagrants, à commencer par le repli égoïste des États-Unis du président Trump et en Europe par les insuffisances de la politique migratoire. Dans ce  contexte, les recommandations du Concile sur les célébrations de la parole n’en deviennent que plus pressantes, pour nourrir à nouveau l’ensemble du peuple catholique de la Parole de Dieu et le rendre missionnaire localement et, par ricochet, dans les organisations sociales et politiques de nos pays.

Une première réponse aux recommandations du concile : les ADAP, ADACE, etc.

En juin 1988 les instances romaines publiaient un Directoire pour les  assemblées dominicales en l’absence de prêtre (ADAP). Dans l’édition française les évêques faisaient état d’expériences lancées une vingtaine d’années plutôt et justifiées par les échecs d’autre solutions, dont celle des regroupements de plusieurs communautés en un même lieu (p10) : « dispersion des chrétiens effacements de la visibilité du rassemblement en un grand nombre de lieux, abandon des personnes qui ne pouvaient se déplacer (enfants et personnes âgées, malades) etc. »

Malgré ce constat lucide, l’expérience des ADAP n’a pas bénéficié d’un soutient pastoral suffisant. Des équipes qui s’y étaient  dévoués se sont découragées. D’autres ont été balayées sans préavis par des changements de personne ou  des mutations diocésaines, trop souvent dans l’illusion d’une remontée des vocations presbytérales ou de regains de ferveur dans les paroisses. On pensait qu’il suffisait d’annoncer la messe dans la paroisse voisine pour susciter des déplacements enthousiastes. Or, dans les secteurs où la messe dominicale est célébrée tantôt une église tantôt dans une autre, les paroissiens dont l’église reste fermée disent : « Nous sommes libres, ce dimanche « Nous sommes libres, ce dimanche « Nous sommes libres, ce dimanche ». Et ils restent chez eux.

Ce comportement s’explique. Pendant des siècles les paroissiens étaient soumis a la pression de l’obligation d’assister (c’était le langage de l’époque) à la messe dominicale dans leur paroisse, sous peine de péché mortel et donc dans cette logique de damnation en cas de mort subite ! La pression a disparu, mais il aurait fallu mettre en place  une pastorale de la persuasion, fondée sur la fidélité personnelle au Christ. La nature humaine cède volontiers à la facilité : déjà aux premiers temps, les pasteurs des communautés avaient dû multiplier les appels à participer aux célébrations. L’épitre aux hébreux en fait état : « Ne délaissons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons –nous… »(10,25). A cet égard, jusque dans un passé récent, lorsque le nombre des prêtres le permettait encore, les responsables pastoraux  favorisaient la proximité des eucharisties dominicales en multipliant les lieux de célébrations : églises annexes, oratoires, nouvelles constructions, messes du samedi soir.

Mais en quelques années, le mouvement s’est totalement  inversé, avec les résultats que l’on constate à présent. Par contre, des communautés musulmanes tiennent des assemblées de prière, même quotidiennes, dans des oratoires de fortunes, et cela dès 7h du matin. Dans le même sens, le grand rabbin de Strasbourg  déclarait à son entrée en fonction : « j’ai eu l’idée de constituer des groupes e jeunes de la communauté qui possèdent les connaissances pour assurer des offices et animer un shabbat. Nous pourrions également former ceux qui demandent à l’être ».

Pour un renouveau des célébrations dominicales de la parole

La mise en place de célébrations dominicales de la parole a été explicitement encouragée par les papes. En effet, après  le synode des évêques sur la parole de Dieu, en 2010, le pape Benoit XVI reprenait à son compte l’intuition conciliaire : « Les  pères synodaux ont exhorté tous les pasteurs à diffuser dans les communautés qui leur sont confiées les moments de célébration de la parole  …»

La célébration de la Parole de Dieu est fortement recommandée dans les communautés qui, par manque de prêtres, ne peuvent célébrer le sacrifice eucharistique aux fêtes d’obligation » (Verbum Domini,65).

Quant au pape François, on sait les encouragements qu’il avait prodigués pendant son ministère épiscopal. En effet, selon un entretien de 200ème publié par Andrea Torelli, dans son livre François, le pape des pauvres (p.123), le cardinal Bergoglio expliquait que dans les villes, selon les sociologues, l’influence d’une  paroisse ne s’étend que sur un rayon de six cent mètres,  alors qu’à Buenos Aires les églises sont distantes les unes des autres d’au moins deux kilomètres.  Le futur pape faisait alors aux prêtres de son diocèse cette recommandation : « si vous le pouvez, louez un garage, trouvez un laïc disponible, qu’il y aille, qu’il enseigne et même qu’il donne la communion si on le lui demande ». Un curé faisant remarquer que cela pouvait détourner les gens de l’église paroissiale, le cardinal Bergoglio répondait qu’ils n’y venaient pas de toute façon !

Ces propos manifestent que l’urgence s’étend même aux villes. Quant aux campagnes les situations sont très variées. Dans tel secteur les villages sont dispersés, distants, difficiles d’accès en hiver, tandis qu’ailleurs il  s’agit de bourgs, proches les uns des autres et regroupant des populations assez denses. Or même les petits villages sont capables de s’organiser au niveau communal de constituer des conseils municipaux. Ces  compétences  permettraient également d’y constituer des équipes pastorales.

Des expériences et des documents à disposition 

Des revues diocésaines et des sites informatiques font connaître des expériences positives comme celle menée, depuis une dizaine d’années, dans la périphérie d’une ville industrielle de l’est de la France, où sont organisées régulièrement des célébrations dominicales de la Parole dans les  cinq églises du secteur. Les équipes liturgiques y sont assez nombreuses ; cela permet à leurs membres de se relayer. L’équipe d’animation pastorale, avec les prêtres et les diacres du secteur, organise leur formation de façon suivie. Les paroissiens reconnaissent que les célébrations sont bien préparées et ils y participent avec joie. Pour le moment, le nombre de prêtres disponibles permet encore d’y alterner  régulièrement, de dimanche en dimanche, les  eucharisties et les célébrations de la Parole.

Cette expérience met en valeur à la fois la mission des prêtres et celle des équipes liturgiques. Les prêtres assurent la formation, tandis que les équipes pastorales et liturgiques répartissent et assurent les différents ministères et fonctions au cours des célébrations. Les documents et matériaux pour la préparation des assemblés ne manquent pas, ils permettent même à des équipes modestes d’assurer des célébrations dignes.

A cet égard, notre revue, Feu Nouveau, propose pour chaque dimanche des  orientations et des matériaux : commentaires des lectures, textes pour célébrer, monitions, propositions pour des partages autour des lectures. D’autres revues ainsi que des sites internet diffusent des matériaux analogues. Quant aux livrets Célébrons le  dimanche 2018, une publication annuelle comparable au Missel des dimanches, ils sont destinés à la fois aux animateurs et aux participants, pour leur permettre d’unir leurs voix  dans des prières communes.(Édition du Signe ,1 ,rue Alfred Kastler, BP 10094,-67038 STRASBOURG CEDEX).

Du point de vue pastoral et dans le contexte actuel, la mise en place de célébration dominicales de la Parole présente de nombreux avantages. Cela favorise le développement des communautés locales, dans le cadre paroissial par la formation d’équipes d’animation liturgique, par la tenue régulière, si possible hebdomadaire, d’assemblées dans chaque église et surtout par une appropriation renouvelée de la Parole de Dieu. Cette sensibilisation et l’engagement de jeunes dans les équipes pastorales peuvent aussi constituer un terreau favorable à l’émergence de vocations aux ministères.

Après des siècles de « mise en veilleuse », le concile Vatican II a rendu sa place à la Parole de Dieu dans la liturgie. Mais ce progrès récent est menacé par la diminution inéluctable des célébrations eucharistiques, faute de prêtres. Fort heureusement, une généralisation des célébrations dominicales de la Parole peut permettre d’étendre l’évangélisation par les communautés  locales et d’imprégner davantage nos sociétés par la Bonne Nouvelle de  Jésus Christ.

                                                                                                                                         Marcel Metzger

Pour télécharger l’article, cliquez ici :  Article Feu Nouveau

Marcel Metzger est né en 1940, il est diplômé en Théologie Catholique, en Droit canonique (Strasbourg) et en pastorale catéchétique (ISPC, Paris).  Son principal domaine de recherche est l’histoire de la liturgie et des institutions chrétiennes.  Il a été professeur à la Faculté de Théologie catholique de Strasbourg, à partir de décembre 1983, ensuite  Doyen de la Faculté de Théologie catholique de 1991 à 1996, puis Directeur de l’Institut de Droit canonique  de 1996 à 2005.  Il est professeur émérite depuis septembre 2005.  Si vous désirez en savoir plus, visitez le site :  http://theocatho.unistra.fr/marcel-metzger

 

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