« Pour une Église synodale : communion, participation et mission ».

Afin de stimuler la mission de l’Église et de répondre aux nombreux défis de notre temps, le pape François a décidé que le prochain Synode des évêques aurait pour thème :  « Pour une Église synodale : communion, participation et mission ».

Le 24 avril 2021, le pape François a approuvé le programme qui accompagne une consultation mondiale en préparation au synode d’octobre 2023 à Rome sur la synodalité : communion, participation et mission.  Le 10 octobre 2021, le pape François ouvre le synode à la basilique Saint-Pierre.  Le 17 octobre 2021, les évêques diocésains ouvrent le synode dans leur diocèse, un synode diocésain qui va d’octobre 2021 à avril 2022.  C’est en octobre 2023 que se terminera cette grande aventure.

Stanislas Deprez est le responsable choisi par notre  évêque pour porter la démarche synodale dans notre diocèse.  Une équipe réunie autour de lui va nous donner des pistes concrètes, et au terme du travail en avril 2022, un discernement sera opéré. Un discernement pour mieux cerner, dans l’avenir, ce qui concerne la communion de l’humanité (Fratelli tutti) ; la participation (gouvernance, délibération, discernement des signes des temps) et la mission. Comment vivre avec tous en construisant la maison commune, en dialogue avec toutes les convictions, pour insérer dès aujourd’hui ce que le Seigneur nous demande en nous envoyant pour faire de toutes les nations des disciples?

Dans les mois à venir, nul doute que nos communautés seront interpellées afin d’être consultées dans le cadre de ce synode.  En attendant, nous vous proposons de lire l’article suivant qui, à travers le témoignage de la sous-secrétaire générale du synode,   cerne bien la dynamique communautaire dans laquelle s’inscrit un synode de ce type.  Vous pourrez également découvrir par la suite le « vade-mecum » de la démarche synodale téléchargeable en PDF.

Dans cet article paru dans la revue Christus, et postée le Nathalie Becquart explique en quoi la synodalité est un chemin de conversion communautaire.

Nathalie Becquart, Xavière, a été nommée en février sous-secrétaire au secrétariat général du Synode des Évêques.

Témoignage

Lorsque j’étais directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations (SNEJV) à la Conférence des évêques de France, de 2012 à 2018, je participais chaque année, comme les autres directeurs de services nationaux, à l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, au début du mois de novembre. En 2015, nous avons eu une séquence sur le deuxième synode des évêques sur la famille qui venait d’avoir lieu à Rome.

Les évêques français délégués au synode ont alors partagé à leurs confrères quelques échos de cette expérience. Chacun, de manière pudique mais réelle, a alors évoqué dans son témoignage comment ce mois de rencontres romaines au contact des évêques du monde entier l’avait déplacé dans sa manière de voir, et converti.

Et le cardinal André Vingt-Trois d’exprimer avec humour : « Même moi, un vieux cardinal bien ancré dans ses convictions, comme vous pouvez l’imaginer, ce synode m’a fait bouger ! » Déjà, en 2012, au retour du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation, j’avais été frappée par la remarque de Mgr Yves Le Saux, évêque du Mans :  « Durant ce synode, nous avons pris conscience des mutations radicales de notre société et de l’enjeu d’une conversion pastorale. Et nous avons compris, nous évêques, que l’évangélisation commence par notre propre conversion personnelle. » Puis, en 2018, ayant la chance de participer au synode des évêques sur « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel », j’en ai moi-même fait l’expérience directe. Ce synode m’a profondément transformée, bien au-delà de ce que j’aurais pu imaginer.

La synodalité, vécue dans une attitude profonde d’écoute de l’Esprit et de discernement, est vraiment un chemin de conversion personnelle et communautaire. Le pape François l’exprime ainsi dans son dernier livre d’entretiens sur la crise actuelle : « Ce qui caractérise un cheminement synodal, c’est le rôle de l’Esprit saint. […] Ouvert aux changements et aux nouvelles opportunités, le synode est pour chacun une expérience de conversion. »

La synodalité n’est pas un chemin balisé d’avance et requiert de s’ouvrir à l’inattendu de Dieu qui, à travers l’écoute des autres, vient nous toucher, nous bousculer, nous déplacer intérieurement. Chemin de discernement en commun d’une assemblée enracinée dans l’eucharistie qui prend conscience d’elle-même et se met en route ensemble, la synodalité est fondamentalement appel à la conversion pour viser et produire une communion missionnaire au service du monde.

Elle est un processus – un processus spirituel – qui se déploie dans le temps. Elle a besoin d’un cadre et d’une structure mais, plus fondamentalement, elle est « un style particulier qui détermine la vie et la mission de l’Église dont il exprime la nature, comme le fait de cheminer ensemble et de se réunir en assemblée du peuple de Dieu convoqué par le Seigneur Jésus dans la force du Saint-Esprit pour annoncer l’Évangile ». Elle demande donc certaines attitudes humaines et spirituelles que nous allons prendre le temps d’explorer, après avoir tenté de définir davantage ce qu’est la synodalité.

Un appel à vivre dans le souffle de la Trinité

La synodalité est devenue un mot à la mode ! Dans l’Église de France, de nombreuses initiatives et publications plaident pour la mise en œuvre à tous les niveaux d’une Église plus synodale. Avec le pape François qui a fait de la synodalité un axe majeur de son pontificat et le thème du prochain synode des évêques, tous les baptisés sont appelés à être promoteurs et acteurs de la synodalité. Mais qu’est-ce au juste que la synodalité ? Quelle vision d’Église traduit-elle ? À quelles pratiques convoque-t-elle ?

Souvent, pour faire au plus simple, on présente la synodalité selon l’étymologie du mot « synode » (du grec sun-odos, « route ensemble »), comme une marche ensemble à l’écoute de l’Esprit. Mais la synodalité, notion ancienne dont l’équivalent latin concilium (« concile ») désigne une assemblée d’évêques, est une notion riche et polymorphe qui n’a pas de définition complètement arrêtée. Car la synodalité est un modus vivendi et operandi : « Ce modus vivendi et operandi se réalise à travers l’écoute communautaire de la Parole et la célébration de l’eucharistie, la fraternité de la communion et la responsabilité partagée, et la participation de tout le peuple de Dieu, à ses différents niveaux et dans la distinction des divers ministères et rôles, à la vie et à la mission de l’Église. »

Il s’agit d’un style, d’une pratique, d’une manière d’être Église dans l’Histoire « à l’image de la communion trinitaire », selon le pape François :

« La pratique de la synodalité, traditionnelle mais toujours à renouveler, est la mise en œuvre, dans l’histoire du peuple de Dieu en marche, de l’Église comme mystère de communion, à l’image de la communion trinitaire. Comme vous le savez, ce thème me tient beaucoup à cœur : la synodalité, c’est marcher ensemble et c’est ce que le Seigneur attend de l’Église au troisième millénaire. »

Cette notion ancienne caractérisait de fait l’Église primitive car, dans les premiers siècles, de nombreux synodes et conciles locaux ont été organisés pour permettre aux évêques rassemblés de discuter et de discerner les décisions à prendre dans un contexte marqué par des controverses et des hérésies qu’il fallait trancher.

Avec l’historien John O’Malley, on peut donc reconnaître que « d’un point de vue historique, la gouvernance traditionnelle de l’Église était une gouvernance synodale, c’est-à-dire collégiale ». Si la synodalité puise ses racines dans la Bible – et notamment dans la référence source souvent citée qu’est le « concile » de Jérusalem (Ac 15), considéré comme le « modèle paradigmatique » de tous les conciles ultérieurs –, elle est considérée et développée dans sa vision et sa réappropriation moderne comme un fruit de Vatican II.

En effet, la création du synode des évêques en septembre 1965 par Paul VI à l’ouverture de la quatrième et dernière session du Concile se veut une expression de la synodalité et un moyen de prolonger l’expérience de la collégialité vécue et souhaitée par les Pères conciliaires. Si la synodalité et la collégialité participent du même « dynamisme de communion » constitutif de l’Église, on distingue, au sens technique aujourd’hui, la collégialité, au sens de collégialité épiscopale telle que réintroduite à Vatican II, et la synodalité qui n’est plus désormais l’expression de la seule collégialité épiscopale mais implique tous les fidèles.

Avec le pape François qui fait du synode des évêques un instrument important de son projet de réforme de l’Église en vue de sa transformation missionnaire, la synodalité prend de l’ampleur et se déploie comme une vision dynamique pour l’Église, une Église centrée sur la miséricorde appelée à la conversion permanente. Synodalité, réforme de l’Église et conversion sont donc intrinsèquement liées.

Dans l’eucharistie célébrée le 9 novembre 2013 à Sainte-Marthe, le pape François évoque ainsi le défi de l’Église : « L’Église a toujours besoin de se renouveler parce que ses membres sont pécheurs et ont besoin de conversion. » La synodalité porte donc en elle, dans sa pratique et sa mise en œuvre, l’appel à la conversion personnelle et communautaire.

Elle est chemin de conversion spirituelle et pastorale. Elle suppose donc et requiert des attitudes spirituelles, on pourrait même parler d’une spiritualité de la synodalité qui est, en fait, une spiritualité de communion, comme le décrit bien le document important de la Commission théologique internationale (CTI) sur « la synodalité dans la vie et la mission de l’Église » (2018), dans son paragraphe sur « la spiritualité de communion et la formation à la vie synodale » : « D’où l’exigence pour l’Église de devenir “la maison et l’école de la communion”. »

Sans une conversion du cœur et de l’esprit, et sans un entraînement ascétique à l’accueil et à l’écoute réciproque, les instruments extérieurs de la communion seraient peu utiles et pourraient même se transformer en de simples masques sans cœur ni visage.

« Si la sagesse juridique, en posant des règles précises à la participation, manifeste la structure hiérarchique de l’Église et repousse les tentations d’arbitraire et les prétentions injustifiées, la spiritualité de la communion donne une âme aux éléments institutionnels en proposant la confiance et l’ouverture pour répondre pleinement à la dignité et à la responsabilité de chaque membre du peuple de Dieu. »

 

Spiritualité du « nous » ecclésial

Pour permettre cette marche ensemble à l’écoute de l’Esprit, la synodalité doit mettre en œuvre une pratique du discernement en commun qui « stimule la génération et la mise en œuvre de processus qui nous construisent en tant que peuple de Dieu » et vise la communion missionnaire. En résumé, on pourrait dire que la synodalité, c’est passer du « je » au « nous ». Mais un « nous » qui intègre dans une démarche inclusive les « je » singuliers. C’est un « nous » dans lequel chaque « je » est acteur. La synodalité, c’est retrouver la priorité du « nous » ecclésial pour servir le bien commun en prenant conscience que « la vie est un cheminement communautaire dans lequel les tâches et les responsabilités sont réparties et partagées en fonction du bien commun ».

La synodalité, qui suppose que tous les baptisés prennent au sérieux leur baptême pour être protagonistes des orientations à prendre et acteurs de la mission de l’Église, vient réveiller et renforcer en nous la dimension ecclésiale constitutive de notre vocation baptismale. La synodalité est profondément reliée à une ecclésiologie du peuple de Dieu, enracinée en elle et met en valeur l’égale dignité de tous les baptisés, tous habités par l’Esprit, tous appelés et tous disciples missionnaires. Elle demande de prendre au sérieux le sensus fidei et donc d’écouter chacun : « Je tiens à souligner le rôle indispensable du peuple de Dieu dans ce processus [synodal].

Le sensus fidei retrouve ainsi sa fonction active, ce qui permet de pratiquer l’écoute comme principe d’une Église vraiment entièrement synodale. » Elle permet ainsi de prendre en compte la diversité des voix dans l’Église. « Les mêmes dispositions requises pour vivre et faire mûrir le sensus fidei, dont sont marqués tous les croyants, sont également exigées pour l’exercer dans le cheminement synodal. »

À l’écoute de l’Esprit

Ainsi, la synodalité nous demande de voir l’Église dans une vision dynamique et systémique, inclusive et non compétitive, qui prenne en compte la diversité des charismes et mette l’accent sur les relations et la communauté, l’écoute et le dialogue, la participation et la coresponsabilité, la réciprocité entre tous les membres et la circularité entre tous les pôles ecclésiaux.

Au-delà de la synodalité formelle qui se déploie dans des structures et processus institutionnels comme les conseils pastoraux, les synodes ou conciles, cet appel à « cheminer ensemble et se réunir en assemblée du peuple de Dieu convoqué par le Seigneur Jésus dans la force du Saint-Esprit pour annoncer l’Évangile », « doit s’exprimer dans la façon ordinaire de vivre et d’œuvrer de l’Église ». La synodalité est donc un processus, un processus spirituel qui doit être promu à la base dans les Églises locales et à tous les niveaux. Elle est un mode de vie qui favorise et développe la participation et la collaboration de tous.

Pour entrer dans ce style et cette pratique de la synodalité, nous avons besoin de cultiver et de déployer des attitudes spirituelles : l’écoute, le dialogue, l’empathie, le partage, la liberté intérieure et la liberté de parole, l’humilité, la recherche de vérité et surtout la foi et la confiance en Dieu, l’ancrage dans la prière et l’eucharistie. Confiance en l’Esprit saint qui souffle en chacun et dans le groupe qui chemine ensemble par la synodalité.

Car l’expérience de la synodalité est avant tout une expérience de l’Esprit, c’est un chemin ouvert, non tracé d’avance qui se tisse par la rencontre, le dialogue et le partage qui vient élargir et déplacer la vision de chacun. C’est un chemin d’humanité et de fraternité qui nous fait devenir « une famille », une communauté.

Un appel à changer

Entrer dans la synodalité, c’est donc accepter de se mettre en route, de vivre en pèlerins dans une Église, elle-même en pèlerinage sur cette terre. La synodalité est une expérience d’incarnation qui nous met à l’écoute du réel, à l’écoute des cris et des besoins du monde. Elle est « une façon d’être et de travailler ensemble, jeunes et personnes âgées, dans l’écoute et dans le discernement, pour parvenir à des choix pastoraux répondant à la réalité ».

La synodalité est un appel à changer dans une Église en mouvement. Elle est comme « une danse ensemble » dans laquelle tous, pasteurs et fidèles, par un dialogue vivant et un partage en confiance, se meuvent en relation les uns avec les autres dans l’écoute réciproque et l’écoute commune de la musique de l’Esprit. Pour entrer dans une attitude ajustée de dialogue et de partage qui demande à la fois de « parler avec courage et franchise, c’est-à-dire en intégrant liberté, vérité et charité » et d’entrer dans « l’humilité de l’écoute », la synodalité demande intériorité et attention aux mouvements des esprits en soi et dans le groupe. On ne peut développer la synodalité dans l’Église sans former au discernement, car elle suppose de pouvoir reconnaître ces fruits de l’Esprit qui sont aussi les fruits de la synodalité : la joie, la paix, l’élan missionnaire, la communion, le désir d’engagement, l’amour des autres et de l’Église…

Au défi d’une juste autorité

Pour se mettre en œuvre à tous les niveaux de l’Église tant locale qu’universelle, la synodalité a besoin de leaders aptes à conduire et accompagner des processus synodaux. Car, en régime catholique, il n’y a pas de synodalité sans primauté. En élargissant, parce que l’Église catholique contient structurellement un principe hiérarchique, on peut dire que la synodalité ne peut donc se déployer à tous les niveaux sans service de présidence. Tel est sans doute un des plus grands défis.

Pour mettre en œuvre la synodalité, pour déployer une pastorale synodale, l’Église a besoin aujourd’hui de pasteurs formés à la synodalité qui exercent un nouveau style de leadership – que l’on peut caractériser comme un leadership collaboratif – non plus vertical et clérical mais plus horizontal et coopératif.

Un leadership de service qui se traduit par un nouveau rapport au pouvoir et une nouvelle manière d’exercer l’autorité qui se conçoit comme un service de la liberté. C’est une certaine manière d’accompagner en se situant au milieu des autres, avec eux, dans une coresponsabilité qui cherche l’autonomisation et la participation de tous. Cela demande donc d’intégrer et de mettre en œuvre un sens de l’autorité vue comme une force génératrice pour libérer la liberté et non comme un pouvoir d’imposition.

À l’image du pape François, modèle de leadership pour une Église synodale, les responsables pastoraux au service de la synodalité, appelés à se situer à la fois en pasteurs et en disciples, sont appelés à embrasser ces maîtres mots : proximité, disponibilité, confiance, mutualité. Sans oublier la responsabilité de maintenir l’objectif de la synodalité qui est de construire un peuple, une communauté fraternelle et missionnaire, au service du bien commun de la société.

En conclusion, la synodalité – comme processus de conversion – est en fait un art, celui du discernement qui accueille et nomme la vie de l’Esprit pour faire de l’Église une barque en mouvement. C’est l’art d’une Église qui se laisse renouveler pour devenir toujours davantage une Église relationnelle, inclusive, dialogale et générative, c’est-à-dire une Église en émergence qui renaît sans cesse avec et par ceux qui la font vivre.

 

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