Il y a plus de soixante cinq ans – le 17 juillet 1949 – arrivait la Relique de Sainte Marie-Madeleine en la Chapelle Notre-Dame de Heigne à Jumet
En juillet 2009, nous avons célébré le soixantième anniversaire de l’arrivée de la relique de Sainte Marie-Madeleine à Jumet. A ce propos, plusieurs questions se posent aux esprits curieux comme les nôtres, amis lecteurs du Mad’lèneû !
Qu’est-ce que des reliques ?
Comment se fait-il qu’il existe chez nous une relique de sainte Marie-Madeleine, et, par corollaire, d’où vient-elle ?
Comment se fait-il qu’elle soit arrivée à Jumet en 1949, et par quelles voies ? Comment fut-elle accueillie à cette époque ?
Une réponse rapide suffira à la première question, mais les trois autres demandent des investigations plus intéressantes.
Une relique… Le concept fait sourire certains. Et pourtant, nous possédons tous des reliques : la première dent d’un petit enfant, les alliances de nos parents, une mèche de cheveux, une photo ancienne… Ce sont des souvenirs qui nous parlent, et auxquels nous accordons une fonction sacrée : celle de servir d’intermédiaire entre deux êtres. A plus forte raison lorsqu’il s’agit de restes humains, tels ceux des saints ou des héros. Ils sont respectés, vénérés par nos traditions qui leur réservent ostensions et processions solennelles. Pour découvrir l’origine des reliques de sainte Marie-Madeleine, entrons d’abord dans la chapelle de Notre-Dame de Heigne afin d’y chercher des indices. Sur l’autel de droite, nous remarquons une belle statue en bois blond de 1m16 de hauteur, datant du début du XIXè siècle. C’est une jeune femme aux longs cheveux défaits, les bras et les pieds nus, vêtue d’une peau de bête, tenant un crucifix dans sa main droite ; un crâne humain gît à ses pieds. D’autres représentations de sainte Marie-Madeleine la montrent au contraire richement vêtue, les cheveux toujours dénoués, munie d’un vase du parfum qu’elle répandit pour Jésus. Si cette dernière illustre la vie de la disciple en Palestine, telle qu’on la trouve dans les évangiles, celle de Heigne, comme beaucoup d’autres, évoque la Pénitente qui trouva la paix dans une grotte du Massif de la Sainte-Baume, en France, après avoir évangélisé Marseille et sa région. Ainsi, la statue figurant en notre chapelle nous suggère la direction de la Provence. Exilée de Palestine avec d’autres disciples, Lazare, Marthe, Marie-Jacobé, Marie-Salomé, Miximin, Sidoine… Marie-Madeleine débarqua sur le rivage de Camargue, en un lieu qui s’appellera justement les « Saintes-Marie-de-la-Mer ». Ils se séparèrent pour aller annoncer l’Évangile, et Marie-Madeleine fut appelée l’Apôtre de la Provence. Après avoir rempli cette mission, elle se retira dans la solitude, et, à la fin de sa vie, elle vint mourir auprès de Maximin, qui lui construisit un tombeau sur lequel vinrent prier des générations de pèlerins. Ce tombeau se trouve aujourd’hui dans la crypte de la basilique de la ville de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. C’est un majestueux édifice commencé au XIIIè siècle, le seul bel exemple de style gothique provençal. Si vous voyagez dans cette région, ne manquez surtout pas de vous y arrêter ; votre visite sera inoubliable.
Au cours des siècles, le tombeau et les reliques subirent de nombreuses tribulations trop longues à raconter dans cet article. Nous avons ainsi répondu à notre deuxième question. Poursuivons notre observation de l’autel de Marie-Madeleine dans la chapelle de Heigne. Le reliquaire situé dans l’autel, juste sous la statue, nous permet de voir un fragment des reliques arrivées chez nous en 1949.
Par quel bonheur ? Ce fut l’œuvre conjuguée de trois grands Wallons. Après la seconde guerre mondiale, Maître Jean Coyette et ses compagnons des Amis de la Madeleine, ainsi que l’abbé Léon Lardot, chapelain de Heigne, veulent promouvoir et redorer le Tour séculaire.
C’est l’abbé Jules Mahieu, ancien vicaire de Roux, très attaché à notre folklore, qui aidera activement à la concrétisation de ce beau projet. L’histoire de Jules Mahieu est un véritable roman. Wallon convaincu et actif, son engagement politique avait heurté sa hiérarchie épiscopale : il fut destitué et interdit de célébrer le culte ! Incompris et déçu, il s’exila en France en 1939 et participa héroïquement à la Résistance. Il obtint la nationalité française sous le nom de Jacques de Warelles, et fut accueilli à bras ouverts par l’Église de France. Devenu doyen de La Bocca, chanoine du diocèse de Nice, il est aussi membre de l’Institut d’Archéologie des Alpes Maritimes, il découvre ainsi les traces de Marie-Madeleine à Saint-Maximin-La-Sainte-Baume ; il signale aussitôt ce trésor à son ami Jean Coyette. C’est lui encore qui plaida la cause de Jumet auprès de l’évêque de Fréjus, qui accorda le départ d’un précieux fragment des reliques vers notre pays du Nord. Et le 4 juillet 1949, le cardinal Van Roey, primat de Belgique, permettait officiellement que celle-ci soit exposée à la vénération des fidèles, comme en atteste le document. Les Jumétois se sont aussitôt cotisés pour offrir à Marie-Madeleine un reliquaire d’argent digne d’elle. Il fut commandé aux ateliers de l’abbaye de Maredsous. Le fragment d’os, de 12 mm sur 2 mm dans leur plus grande dimension, repose sur un losange de velours vert, avec une étiquette d’identification sur laquelle on lit : OSS. S.M.MAGDAL. Le tout est enfermé dans une custode d’argent, et visible par un hublot entouré d’une couronne perlée de 15 cm de diamètre en forme d’étoile. Sur le pied supportant l’ensemble est gravé en verticale le nom STA MARIE MAGDALENA.
Avons-nous conscience d’un tel trésor aujourd’hui, lorsque nous regardons passer ce reliquaire sur les épaules des pèlerins, lors du Tour de la Madeleine ?
L’arrivée de la relique à Jumet fut un événement exceptionnel, qui serait impossible à réaliser à présent, car les autorités régionales et ecclésiastiques françaises accordent maintenant à leur patrimoine une valeur sans partage. C’est dire quel cadeau précieux nous a été ainsi accordé, renforçant le caractère sacré du pèlerinage et des marcheurs qui l’accompagnent. C’est donc le 24 juillet 1949 que la relique de sainte Marie-Madeleine sortit avec le Tour pour la première fois ; elle le fera désormais chaque année. Les témoins de ces festivités sont devenus rares, mais j’ai pu consulter les annonciers des églises qui décrivent le mieux les détails des cérémonies. Le premier extrait vient de l’annoncier de l’église décanale Saint-Sulpice, tenu par l’abbé Jules Romedenne, alors Doyen de Jumet.
Dimanche 17 juillet 1949 (sixième dimanche après la Pentecôte)
(…) Ce soir à 8h30 aura lieu la grande cérémonie de la translation solennelle de la précieuse relique de sainte Marie-Madeleine qui nous arrive à Heigne comme un cadeau tombé du ciel dans notre antique et vénérable chapelle. Voici en quoi consistera la cérémonie du soir à 8h30 précise, bénédiction solennelle du reliquaire par Monsieur le Doyen, allocution de circonstance par le R.P. Ghislain, prédicateur de grand talent, bénédiction du Saint-Sacrement. Immédiatement après la bénédiction, le reliquaire qui est une œuvre d’art bien réussie sera hissé sur un cher triomphal orné de tentures de velours rouge. Les délégations des diverses sociétés de la Marche précéderont le char avec leurs drapeaux. Derrière le char, le clergé et les fidèles. Le cortège s’acheminera vers Heigne, par les rues Jacqmain, Wattelar, la Place Francq pour gagner la place du Prieuré. La chapelle sera illuminée à l’arrivée de la sainte relique jusqu’à 11 heures. Sur la place du Prieuré, le R.P. Ghislain adressera quelques mots de bienvenue à la sainte relique. Après l’allocution, la sainte relique sera déposée pieusement dans le chœur de notre chère chapelle, qui désormais abritera une parcelle du corps de sa sainte patronne bien-aimée. Après le chant du Te Deum d’action de grâces de nos cœurs reconnaissants, les fidèles vénéreront la précieuse relique. »
Le second extrait figure dans l’annoncier de la chapelle Notre-Dame de Heigne et notifie la première vénération de la relique.
Dimanche 24 juillet (septième dimanche après la Pentecôte)
(…) Chapelle N.-D. de Heigne. C’est aujourd’hui qu’a lieu la procession et la célèbre marche militaire de la Madeleine. Pour la première fois, la précieuse relique de sainte Marie-Madeleine sera portée en procession. La messe de 4h est célébrée aux intentions des pèlerins en l’honneur de sainte Marie-Madeleine. A 6h30 et à 8h30, messes basses. Vers midi, il y aura encore une messe à la rentrée du Tour. Le soir à 6h, salut et prières en l’honneur de sainte Marie-Madeleine. Demain lundi 25 juillet, à 7h, messe basse. A 9h30, grand-messe en plein air avec défilé des sociétés à l’offrande. La grand-messe sera célébrée par Mr le Doyen.
Cet article a pour simple intention d’éclairer le lecteur à propos de la présence de la relique de sainte Marie-Madeleine à Jumet. Je crois avoir répondu aux quatre questions du départ, mais je voudrais dire en outre, dans les quelques lignes qui suivent, l’admiration qui a grandi en moi au cours de mes recherches. Marie-Madeleine m’est apparue comme une femme au destin extraordinaire, bien différente de la pleureuse traditionnelle : disciple et amie du Christ, premier témoin de la Résurrection, Apôtre des apôtres, et retournant finalement dans l’humble silence de la Sainte Baume. Des chemins de Palestine à ceux de Provence, elle est venue aussi sur les chemins de notre Wallonie, c’est un privilège exceptionnel et nous pouvons en être fiers.
Marie-Jeanne Gay
Texte extrait du programme El Mad’lèneû - 629è anniversaire - 1380-2009 / 60è anniversaire de l’arrivée des reliques de Sainte Marie-Madeleine en la Chapelle Notre-Dame de Heigne à Jumet. Photo de la Relique : Lucien Cleempoel, Colonel-Commandant en Chef à l’État Major du Tour de la Madeleine